Sa canne à la main, elle entre dans le café. La chaleur s’engouffre mais elle est plus agréable à l’ombre des murs. Il y a de l’air. Elle s’assied sur une banquette et commande une glace. Elle est accompagnée d’une femme et la gérante du café vient la saluer, même discuter avec elle. Le corné de glace dans la main, elle semble autant se régaler que se rafraîchir. Un rendez-vous qu’elle ne manquerait pour rien au monde. Quand on vit seul, les habitudes sont des amitiés nécessaires. Elle me fait penser à ma mémé. Pas physiquement mais par le simple fait de la voir avec sa gourmandise glacée. Je ne me rappelle pas que mémé mangeait des cônes. En revanche, il y avait toujours des bacs de crème glacée dans le congélateur : menthe chocolat, rhum raisin, vanille. (Entre temps, maman me dit qu’elle avait tout le reste aussi : cône et bâtonnet !). Elle aimait en offrir mais elle aimait aussi en manger. J’ai rarement vu mémé en dehors de sa maison. Seuls les fêtes de fin d’année, les anniversaires la faisaient sortir. Sinon, elle goûtait aux plaisirs dans la solitude de sa maison. Alors quand je vois cette dame, je souris. Mémé aussi avait une canne. Elle l’aidait à être autonome dans sa maison. A la fin, elle en avait même deux. On aurait dit un insecte. Elle me faisait rire, et elle, ça l’a rendait triste. Mais elle en riait aussi, quand j’essayais de chasser sa tristesse. Les souvenirs sont dans les détails et ils ont la saveur de l’inoubliable.
Et la dame me sourit en partant.
© Pauline Lacot
(août 2022)
Photographie : Le grand café, Felletin (23)
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