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Photo du rédacteurPauline Lacot

Union sacrée


Elle l’attend derrière cette porte chaque dimanche. De sa campagne, elle vient à bicyclette qu’il fasse beau ou mauvais temps. Elle rêve ces moments dans le silence de sa conscience, dans le feu de son corps. Son cœur voudrait crier son amour mais il se tait. Personne ne doit savoir.


Il l’attend dans le chœur de son église. Chaque chant est pour elle. Chaque prière aussi. Il aime dans le silence de sa foi, dans la braise de son repenti. Il sait qu’ils ne devraient pas s’aimer mais ils s’aiment. Dieu est Amour. Il sent son cœur battre contre le bois de cette petite porte en écho au sien.


Elle restera fermée…


Leur amour est interdit. Rien n’aurait d’ailleurs pu prédire cette rencontre. Elle n’est pas croyante. Dieu est une énigme pour elle mais l’âme du lieu l’appelle souvent. Elle y trouve la paix et un jour, elle l’a trouvé, lui.


L’encens brûlait encore. Les bougies éclataient le chœur. Elle s’assit sur un banc devant l’autel. Ses yeux se posaient sur chaque objet qu’elle connaissait par cœur. Elle est une fille d’ici. Baptisée, c’était tout. Rapidement, elle sut que la religion ne guiderait pas dans sa vie. Et alors qu’elle se pensait seule, un jeune prêtre entra. Il ne la vit pas tout de suite. Son cœur se brisa. Leurs yeux se croisèrent et la flamme s’éleva dans un ciel de pourquoi. Ils ne se parlèrent pas. Elle se leva et courut vers la sortie. Il ne la retint pas.

Il n’est pas un enfant d’ici. Abandonné par ses parents, il fut recueilli chez des riches habitants du village. La religion était dans le cœur de cette famille. Il sentit l’appel. La fierté non retenue de ses parents adoptifs le transporta vers la Lumière. Il pensait que l’Amour s’y cachait. Mais quand il la vit, il comprit que l’Amour était avec elle.


Que faire ?


Ni l’un ni l’autre ne pensent à l’avenir. Ils se retrouvent tous les dimanches à la sortie de la messe. Ils partent marcher dans la forêt alentour. De rares baisers sont échangés. Leurs mains se frôlent. Ils n’osent pas rompre leurs vœux.


Jusqu’au jour où n’y tenant plus, elle l’embrassa sous le saule pleureur au bord de l’étang communal. Des larmes coulaient sur leurs joues. Ce baiser réveilla leurs corps. Dans la fraîcheur d’une belle soirée d’été, leur nudité se rencontra et leur amour se consuma sur l’herbe verte. Le vent jouait sa musique dans les branches tombantes du saule, les oiseaux chantaient, la voix des amants maudits dansait dans le soleil couchant. Ils échangèrent leur souffle jusqu’à l’ultime connexion.


Sa tête posée sur sa poitrine, il pleura jusqu’à ce qu’elle le rejoignit dans la tristesse de leur instant. Elle posa sa main sur sa tête, il caressa sa joue, la vie avançait sans eux. Ils surent en cet instant que ni Dieu ni les Hommes ne pourraient briser leur amour. D’un baiser tendre, ils se dirent au revoir. Le saule pleureur, témoin de leur union, laissa couler ses larmes sur la Terre de leur Amour et dans un élan d’affection pour les deux amants dessina à la surface de l’eau un 8, symbole de l’infini qui jamais ne les séparera.


Ils se retrouveront. Ici ou ailleurs. Dans cette vie ou celle d’après. C’est écrit.


© Pauline Lacot

(juillet 2022)


Photographie : Levroux (36)

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