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(auto) BIOGRAPHIE

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Qui es-tu ? 

 

Je m’appelle Pauline. Je suis née à Châteauroux, dans l’Indre, il y a 36 ans, bientôt 37. Mes parents s’aiment depuis plus de 40 ans et j’ai un petit frère. J’ai grandi dans un charmant village, avec la liberté insouciante d’un monde déconnecté… aujourd’hui, tout semble différent. 

 

Quel est ton parcours ?  

 

Je traverse les années scolaires avec plus ou moins de facilité et de réussite. Je ne comprends pas les mathématiques et j’adore le français. Au lycée, les choses se compliquent. L’adolescence me bouleverse un peu plus encore. Je me cherche et ne me trouve pas. Par défaut, je choisis la filière L. Mais de ce défaut naît un amour, qui ne cessera de grandir, pour la littérature. J’obtiens mon bac après avoir redoublée ma Première. Choix que je ne regrette pas. Au contraire. Il m’a sauvé la vie. Je crois… J’ai pu prendre confiance, j’ai pu dépasser certaines peurs parce que l’inconnu n’en était plus. Après le bac, je vais à l’université de lettres de Tours. Des années merveilleuses. Où je rencontre à la fois la littérature étrangère mais aussi de belles personnes. Le fait d’être dans une autre ville, de devoir me débrouiller, me pousse à voir la vie autrement. 

 

Et après tes études ? 

 

Je n’avais toujours pas d’idées de travail. Après l’obtention d’une licence de Lettres Modernes et après une année de Master insatisfaisante, je reviens dans l’Indre et travaille dans un collège en tant que surveillante. Durant cette même année, je remplace une professeur de français. L’expérience m’intimide trop pour en garder un bon souvenir. Je retrouve un poste de surveillante dans un lycée de Châteauroux. Je vais y rester deux ans, avec plus ou moins de joies et de péripéties malheureuses. L’année 2012 est très marquante pour moi… un tournant. 

 

En quoi est-elle un tournant ?  

 

Lors d’un match de football, une de mes dernières passions sportives, les ligaments de mon genou droit se rompent. Je trouve cette blessure injuste car je sentais mon corps s’affiner, s’alléger. Le corps et moi, c’est toute une histoire. C’est la fin de saison pour moi et c’est la fin tout court avec ce sport. Je sentais qu’il fallait que quelque chose arrive comme pour me réveiller. Et c’est brutal. Attendre n’est pas la solution, je le sais maintenant. On peut décider avant que le drame n’arrive. Cela étant, je ferme le chapitre du football sur une blessure. 

 

Dans la foulée, je suis convoquée pour un entretien de fin d’année dans le lycée où je travaille. Les CPE ne souhaitent pas prolonger mon contrat. Je ne corresponds pas à leurs attentes… C’est un choc et une humiliation pour moi. Je n’ai fait aucune faute… Je suis appréciée des élèves de mon dortoir, de mes collègues mais je ne suis pas assez sévère, autoritaire. Je ne comprends pas car au fond de moi, je sais qu’on peut être juste tout en étant sensible et attentif à l’autre. 

 

Et au moins d’août, mon oncle Joël meurt dans un accident, sous les yeux de sa famille. Le joyeux week-end se transforme en cauchemar. Indirectement, je me trouve au milieu de ce chaos. L’accident survient le 25 août, mon anniversaire est le 26, son décès est déclaré le 27. J’ai 26 ans… Durant quelques années, je suis obligée de réfléchir à mon âge car j’ai envie de dire 26, comme si tout s’était arrêté à ce moment-là… Seul point lumineux de cette année, mais qui aura aussi une particularité, je suis embauchée dans une bibliothèque de prêt, en tant que responsable du secteur jeunesse. 

 

Cette année 2012 est le point d’orgue de mon changement de cap. 

 

Te considères-tu comme un être sensible ? 

 

Oui, complètement. A l’école, je pouvais pleurer, dans la même journée, pour un 0 ou un 20. Les adultes ne me comprenaient pas et j’étais incapable de m’exprimer pour être entendue avec justesse. Je pensais qu’on avait tous notre place, peu importe nos particularités, nos caractères. J’entendais l’adulte me dire « Si tu ne changes pas, tu n’arriveras à rien… Trop émotive… ». Ce sont des pensées qui restent. Je m’en suis persuadée et convaincue. Alors j’ai tenté de taire cette sensibilité, de me fondre dans une case pour être acceptée et avoir un avenir. C’est violent quand je l’écris… 2012 m’a brutalement réveillée. 

 

Que se passe-t-il ensuite ? 

 

J’ai tenté, tant bien que mal, de comprendre les codes de la fonction publique, de prendre mon rôle de responsable à cœur mais j’étais trop fragile, vulnérable dans ce monde que je ne comprenais pas. On attendait certaines choses de moi et je me voyais faire autrement. Chemin noueux faisant, et après un don de sang, on me diagnostique une maladie importante de la thyroïde. Douche froide. Je l’apprends la veille de mon départ pour un voyage aux USA que j’attendais avec impatience. Je fais le choix de partir. Je ne mesure pas les risques ; je sais que je dois y aller. Le voyage se passe très bien. A mon retour, les rendez-vous médicaux s’enchaînent. Je fais alors face à deux de mes plus grandes peurs : la maladie et la mort. J’ai 28 ans quand je me fais opérer de la thyroïde. Et là, il se passe quelque chose… en moi. Je sens que je vais me choisir, enfin, mais que le chemin va être long et chaotique. 

 

Aujourd'hui, tu vas bien ?  

 

Oui ! J’ai démissionné de la fonction publique après avoir appris à poser mes limites, même auprès de ma hiérarchie. L’autorité ne doit pas être une forme d’humiliation d’autrui. J’ai rétabli ce qui me paraissait juste pour moi, dans l’espoir de guider. J’ai fait de magnifiques rencontres dans ce travail, qui m’ont menée là où je suis aujourd’hui. 

 

Justement... où es-tu maintenant ?  

 

A l’instant… je me trouve dans un jardin. Le parfum du chèvrefeuille est délicieux et les oiseaux chantent. Je suis où je dois être. 

 

Tu es épanouie...

 

Oh que oui ! C’est un épanouissement profond qui vient du cœur. Je respire mieux. Je vois mieux le monde et ce n’est pas toujours beau, je ressens avec humilité. Je suis un être sensible qui s’assume et j’ai retrouvé le chemin qui m’attendait. 

 

Celui de biographe ?  

 

Exactement. 

 

Tu nous en parles ? 

 

Je me trouve dans le salon chez ma mémé Marguerite. La télé est allumée et, sous nos yeux atterrés, les informations bouleversantes de l’attentat de Charlie Hebdo se succèdent. Le ciel est gris. Mémé éteint la télé. Et elle se met à me raconter des souvenirs de la guerre, de la peur. Je saisis mon téléphone et note tout ce que j’entends. A la fin, elle me dit « Je sais que tu aurais aimé qu’on écrive ça ensemble. ». Je n’ai jamais formulé directement ce souhait, même si j’ai toujours posé des questions sur son passé et qu’elle les balayait en disant que le passé, c’était le passé. Je reste avec cette étrange sensation qu’il vient de se passer quelque chose d’important. Elle décède un mois et demi après cet échange. Je suis bouleversée car mémé Marguerite, c’était ma mémé. C’est aussi la mémé de ma cousine et de mes cousins, mais j’ai eu la chance de vivre des moments sensibles avec elle. Des mots et des pensées lui échappaient comme si elle savait que je pouvais et devais l’entendre. Son décès réveille mes sens et mes rêves deviennent de plus en plus précis. J’ai des connexions étonnantes avec l’au-delà, mon intuition se développe. Et mon corps malade cherche encore la paix mais je sais, au fond de moi, que ça va aller, que tout est juste. Tout s’effondre et tout semble prêt à se reconstruire. 

 

C'est ainsi que le métier de biographie t'apparait ? 

 

Oui, en quelque sorte. Je rassemble les pièces et me rends compte que je fais ce travail depuis toujours. En posant des questions sur les lignées, en écoutant les gens me raconter leurs histoires. Il me fallait apprendre à ne pas tout emporter avec moi, à recevoir sans que cela me pèse. Un matin d’été, je cherche sur internet une possible formation à ce métier. Je tombe sur une formatrice qui donne des cours dans une université de Lyon. La classe est déjà complète. Mais, elle propose aussi une formation à distance. Je la prends. Nous sommes en janvier 2020. Le monde s’apprête à s’arrêter, je ne le sais pas encore, même si j’ai eu une sorte de prémonition. Je vais passer une partie du confinement à me former et c’est un beau cadeau dans ce chaos. J’obtiens le diplôme. Je suis encore attachée à mon poste de bibliothécaire mais je vais définitivement le quitter en octobre 2020. Quitte à changer, autant y aller avec le cœur. 

 

Combien de biographies as-tu écrites ?  

 

Il a fallu deux ans pour me faire connaître, et pour continuer à gagner confiance en moi. Depuis janvier 2022, j’ai écrit une vingtaine de biographies, en plus d’autres textes car les mots et l’inspiration ne me quittent jamais. 

 

Pourrais-tu dire que l'écriture est thérapeutique ? 

 

Elle m’a aidée à traverser mes tempêtes intérieures. Alors oui… J’ai aussi compris que se raconter est un pas vers une guérison de l’âme. L’écoute est important également. Je ne juge pas les destins, je peux tout entendre, je sais rester à ma place aussi et je sais la prendre quand il le faut. J’ai bien grandi. Je me suis formée à la psycho-généalogie et je me suis beaucoup documentée sur l’accompagnement en fin de vie. Je sens que le biographe a sa place auprès des personnes en soins palliatifs ou même auprès de personnes traversant une maladie grave. 

 

Si tu devais partager un mot, ce serait lequel ? 

 

Patience. 

 

Tout arrive au bon moment, quand nous sommes prêts. Il est possible qu’une intuition vous guide sur le bon chemin mais qu’au moment où vous la visualisez, ce n’est pas encore le bon moment. La patience est précieuse. Elle permet de taire les attentes qui nous trompent souvent. Raconter et écrire son histoire, c’est la même chose. Je vois souvent la biographie comme une graine dans le vent. Elle se glisse dans la paume d’une main, elle voyage et au moment où la personne sent qu’elle peut apporter de belles fleurs, elle la plante et un livre naît. Il ne sert à rien de forcer, tout comme il est important de faire le pas si on le sent. 

 

Je suis suffisamment attentive aux silences pour les considérer comme essentiels. Les mots soulagent les maux. J’en suis intimement convaincue. Mon expérience vient nourrir l’attention que je porte à autrui. 

 

Merci Pauline.

 

Merci à toi, mon double. 

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