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MES INSPIRATIONS

- Cette vue m’offre une pensée de toi. 

- Une pincée, tu veux dire ? 

- Cette vue m’offre une pensée de toi. 

- Telle une fleur… C’est ça ? 

- Cette lumière me fait penser à toi. 

- Je suis là, à côté de toi. 

- Ces parfums me rappellent ta voix. 

- Je crois que tes pensées sont enrouées. 

- Ce paysage est un bout de toi. 

- Que tu gardes dans ta poche…

- Tout près de mon cœur. 

- Tiens, tu changes.

- Ce jour est une pincée de toi. 

- Ça y est, tu recommences. 

- Tu veux dire quelque chose ? 

- Cet horizon est une moitié de moi.

- Et l’autre moitié ? 

- Elle est en toi. 

- C’est bien ce que je me disais…

- Ce moment est un baiser de moi. 

- Qui se pose sur ma joue émue. 

- Oui… 

- Ce silence est mon amour pour toi. 

- Que seuls les initiés comprennent. 

- Ce sentiment est pour toi : je t’aime. 

- Le regard tourné vers l’au-delà. 

- A jamais. 

- Cette fin… 

- Il n’y en a pas. 

- Cet au revoir reviendra. 

- A bientôt. 

- A demain

 

Mémé, je pense à toi.

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LE LIVRE DES SECRETS

 

 

 Des parfums alléchants me sortent du sommeil. Dans les draps chauds d’une nuit froide, j’hésite à sortir. En bas, j’entends ma grand-mère s’affairer. Les odeurs, c’est sa cuisine. Le jour se lève pourtant à peine. Comment fait-elle ? Dehors, le soleil timide caresse de ses rayons la fenêtre perlée de rosée. Il fait froid dans cette chambre, heureusement que mémé a le cœur chaud. 

 

 Nous dormons dans le même lit. Souvent je glisse dans le creux de ses reins, une plume sur une balance de duvet. L’édredon rouge pèse sur mon corps endormi. J’entends mémé m’appeler. Les tartines grillées dansent avec les plats mijotés. 

 

 Je me couvre pour garder longtemps la chaleur du lit douillet. J’ouvre grand la fenêtre pour chasser l’humidité qui vit dans les murs et les mauvais rêves. La maison de mémé à l’âge de ses aïeux. Elle en a hérité à la mort de ses parents. Ma mère a grandi ici. J’aime marcher sur la branche de mon histoire familiale. 

 

 Le café au lait fume dans le bol en terre cuite qui porte mon prénom. Le dos de mémé me dit bonjour, sa voix douce caresse mon cœur de petite fille. Je l’aime tellement. Je passe tous mes étés chez elle, dans la campagne de son cœur. Elle a gardé une vache, et une chèvre. Dehors, le chien monte la garde. Sa méchanceté est aussi féroce que celle d’un agneau. Mais avec mémé, on aime lui faire croire qu’il est le loup de la bergerie. Sa queue tape contre la porte. 

 

 Mémé le fait rentrer. Il se frotte contre ses jambes quémandant une caresse méritée pour un travail bien fait. Il pose sa tête sur ma cuisse. Rituel matinal. Sur le pain encore chaud, le beurre fond. Les lignes du pain sont comme les rides de mémé. Discrètes mais présentes. Témoin d’un temps passé. 

 

 J’attends patiemment le baiser qui fait trembler mon cœur, le baiser des premières heures, le baiser délicieux d’une bouche usée. Mémé embrasse ma joue rebondie puis passe sa main dans mes cheveux défaits. Devant ses yeux, le voile des années devient de plus en plus épais. Elle tâtonne, dans cette cuisine qu’elle connaît par cœur. Elle me respire pour ne pas oublier mon visage. Je la respire pour construire nos souvenirs. 

 

 Le café chaud glisse dans ma gorge nouée. Le sablier de mémé s’écoule et je ne peux rien faire pour l’arrêter. Je sens, au fond de moi, que chaque seconde compte désormais. Elle s’assied en face de moi et ferme les yeux. D’une main tendre, elle saisit la mienne. Sa voix enrouée murmure des mots que moi seule comprends. Mémé chante dans sa langue maternelle. Ses mots sont comme les ricochets sur l’eau limpide d’un lac. Ils rebondissent sur mon cœur. Je ferme les yeux, mes oreilles s’ouvrent en grand. 

 

 Elle écrit sur mon âme les partitions de son enfance, et elle veut que je me souvienne. Des larmes glissent sur les  ruisseaux de son visage halé. Sa chevelure blanche brille d’un éclat nouveau. Autour d’elle, ses ancêtres chantent et dansent. Je les vois. L’émotion frissonne sur ma peau. 

 

 Doucement, mémé lève ses paupières et ses yeux se posent délicatement dans les miens. L’intensité de son regard touche mon cœur, le fait battre plus fort. Je lis en elle comme dans un livre ouvert. Je suis elle. 

 

 - Chante pour moi, ma petite. Chante mon histoire. Tu as le don. Dans ton sang coule la magie de mes ancêtres. Il est venu le temps de passer le livre des secrets. 

 

 Une chaleur m’envahit. L’amour de mémé vibre en moi. Je saisis une feuille blanche et d’une main nouvelle, j’écris des mots dans une langue lointaine. Le sourire de mémé est magnifique. 

 

 Je ne chanterai pas, j’écrirai. 

 

 Elle se lève et monte dans le lit désormais froid. Le soleil baigne la chambre d’un jaune éclatant. 

 

 Mémé s’en est allée un matin d’été.

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